samedi 12 juillet 2014

Innocents poisons


Peter Lely: children singing



Retrouvons la fureur des douceurs enfantines,
les sucettes sucrées sirotées en baisers,
Le miel acre du trèfle et la fleur d' églantine,
Faiseuse de traînées au goût de sang braisé.

Petit prince, enfant roi à l' âme d' un sauveur,
Tu pourras suçoter mes plaies et mes piqûres,
Palper ma chair friable aux laiteuses saveurs,
Colorer de tes doigts mes cavités obscures.

Ton épée de jadis, cette noble frontière,
Se dresse pour scinder nos corps transfigurés,
Afin de les unir plus fortement qu' hier
Tranchant les langues bifides mal augurées.

Restons purs des péchés mortels des temps nouveaux,
Offre moi d' inédites caresses pucelles;
Mon virginal amant, inverse l' écheveau
Du mortel tisserand des amours jouvencelles.



jeudi 8 mai 2014

Parce qu' un jour la substance est effleurée

Maxfield Parrish: plénitude.



Tu m'as touchée parfois de tes bras transpercés,
Brûlante était ta main, j' en porte ici la marque,
Puis là , et même ailleurs, c' est le seing de la Parque,
Le sang , le sel et l' eau de ton sein déversés.

J' ai humé ton odeur de chair , de sang tété,
En rampant, nez au sol, j' aspire au sacrifice,
Vil lombric lubrifié glissant seul à l' office,
Jadis déjà je dus rêver de sainteté.

Tant de fois je l' ai vue ta face à mes parois,
Humble icône effacée des demains qui déchantent,
Suaire de mes sueurs dont mes os se repentent,
Ton reflet , rien que lui, s'impose en tant que roi.

Sur le bout de la langue je garde le fiel
Du miel empoisonné des âmes ténébreuses,
Afin que tu oublies les angoisses affreuses
De ton amer séjour sur terre entre deux ciels .

Je n' entends que le bruit de tes membres brisés,
Brise mélancolique au souffle qui m' embrasse,
Toi mon corps, toi mon sang, mon calice, ma race,
Je m' offre à ton baiser, ivre... morte... grisée.

dimanche 9 mars 2014

Le jour des Cendres

Chagall: l' oiseau de feu.


Il est de sombres soirs plus amers que le Styx
 Où l' âme est bouche bée, suffocante et noyée,
 Où l' enfer s' esbaudit à gorge déployée,
 Tandis qu ' en rêve pousse l' aile de Phoenix.

 Survoler l' infini des monts et des vallées,
Archipel indigo,plonger en tes lagons,
 Au volcan s' enflammer comme rouge dragon,
Renaître aube de feu, l' eau de vie avalée!

 Etre autre et être même, être à même d' aimer,
 Féconder en plein ciel une pleine nacelle,
 Dans un feu d' artifice au brasier d' étincelles
 Nidifier un cratère, un beau feu essaimer.

 Vivre comme des dieux garants de lourds secrets,
 Mais toujours arrogants d' un pouvoir éternel,
Veiller les plébéïens d'un zèle paternel,
 Maintenir le destin qui se rit des décrets.

jeudi 20 février 2014

Una lacryma sur le museau

Van Der Weyden, Déposition de Croix , détail.



Lorsque j' avais quinze ans , déjà tendre perverse,
Avide d' éveiller de bravaches aveux,
Je baignais de caresses d' humides morveux
Afin que mon aridité s' ouvre aux averses.

Lorsque gorgée de sève enfin femme je fus,
Jouant du doigt la grâce d' humbles gladiateurs,
Je riais du dépit du pauvre admirateur,
Meurtri sous l' avalanche d' un glacial refus.

Ils pouvaient bien saigner, pleurer, perdre la face
Quelque larme ou menace amusait mon ennui,
Rien ne rivalisait avec l' horreur des nuits,
Lorsqu' un spectre vous tord que seule l' aube efface.

Et vous voilà mordue d' ignobles érinyes,
Et vous voilà suivie du noir Ankou qui crisse,
Incendiée de remords, noyée de cicatrices,
Paria dénaturée que toute Loi renie.

Il suffit d' un vainqueur immense dans l' arène,
Droit comme une colonne, épais comme un Samson,
Pour qui le Styx aussi fut le seul échanson,
L' épouvante pour père et la mort pour marraine.

Alors cet homme là va planter son regard
Sur ton corps abîmé par des mains malhabiles,
Installer sous ta peau cette ancre indélébile
Des sanglots de diamant sur un sentier hagard.

Et tu sais que c' est lui car tu n' es plus méchante,
Tu ne ris plus de ses douleurs, tu ne ris plus,
Tu trembles avec lui de qui lui a déplu,
Oui,désormais, la moindre de ses larmes chante.


mardi 11 février 2014

Retirez vous vos yeux me brûlent ( la bête de Cocteau)

Jean Delville: l' idole de la perversité.


Fortune courtisane adonnée au sadisme,
Ta sanguinolente étreinte  fut infligée
Aux dermes affligés qui ont désobligé
L' isthme des destinées érigées en ton prisme.

L' égratignure teint les doigts des évadés,
J' ai mal à leur mollet écorché à la course,
Ce gibier fusillé d' avoir bu à la source,
les déserteurs haineux des marches saccadées.

J' ai mal à vos poignets suintant mille misères,
Perdants de rodéos, plus faibles qu' équidés,
Erodés des écueils, mes frères suicidés,
Aux vagues tourmentées vos rames s'épuisèrent.

Le deuil à petit feu d' illusions décédées,
De mesquines envies en rêves rétrécis,
J' ai mal au spectre vil aux contours imprécis,
Cesse donc de hanter mes heures obsédées.

Ce que souffre la chair n' est rien qu' une écorchure,
Le fléau , ce haut mal de la médiocrité,
Tue le lobe frontal de l' humble vérité
Qui terrassa jadis les anges qui déchurent.

Qu' un coeur compatissant soit à jamais loué,
Agonisant afin qu' à la fin ils se sauvent,
 Percé d' un arc en ciel virant de bleus en mauves,
J' ai mal aux crucifiés, j' ai mal aux mains clouées.

samedi 25 janvier 2014

A travers des milliards de choix durant des années d' ombre

Böcklin: le bois sacré.


Il s' en fallut de peu, un cheveu de comète,
L' instant pour un remords, un arrêt mors aux dents,
Quelque ordre du divin insufflé au dedans
Infléchissant la course d' aveugles gamètes...

Il s' en fallut de peu, j' aurais pu ne pas naître,
Juste une heure figée à l' orbe du cadran,
Un créneau de rouage resserré d' un cran
Je fusse hôte des limbes noyée de non être.

Il s' en fallut de peu, un jouet du hasard,
Poussière d' existence semée à la brise,
Ajoutant sa virgule à d' historiques frises
Pour ponctuer d' espoir l' universel bazar.

Alors j' ai cru aux stries de nos peaux lézardées,
Labyrinthe savant des anciens manuscrits,
Les mages, les prophètes , les messies s' écrient
Afin de résister  aux nouvelles fardées.

Celui qui remercie de vivre est vraiment sage,
Aveugle d' illusions, sourd au faux bruit qui court,
Fier d' accomplir un juste et honnête parcours,
A travers la mer rouge il fraiera son passage.