dimanche 18 décembre 2011

rhume métaphysique

Jean Delville: la mort d' Orphée.



Pauvre enveloppe en ruine , ah tu as bonne mine!
Où est donc l' élégance des tenues de bal?
Où est ton arrogance du danser tribal?
Te voilà amollie d' un mal qui te lamine.

Mon corps si vulnérable, mon corps affaibli,
Ma loque liquéfiée je te garde en tutelle,
Mon esprit terrifié de te savoir mortelle
Voudrait précipiter l' instant du grand oubli.

Le poison radical...le venin vipérin,
Comme un songe létal insinué aux veines,
Je serais ma Lucrèce d' un soir sacrée reine,
Nouvelle Cléopâtre au bracelet d' airain.

Le stylet sanguinaire aux stries, ces mille routes,
Sculpterait en ma peau,mystérieux parchemin,
Vers un ailleurs confus son ultime chemin,
Pénétrant les artères bruissant sous la croute.

Quand le jour élimé meurt de mélancolie,
Chantonnant ma romance aux fleurs se dévêtant,
Je me fondrais dans l' eau troublée d' un vaste étang,
Ophélie funambule, au fil de la folie.

Ou pyromane hagard, pour effacer mes traces,
J' immolerais mon être asservi au Horla,
Telle Rome ébahie quand le feu déferla,
Empereurs décadents je suis de votre race!

La corde du pendu ferait un beau collier,
Poète suffoquant en une rue obscure,
Aspirant à la paix que ce lien te procure,
Vile déshéritée, de tout souffle spoliée.

Confiance mon enfant, ton voeu s' exaucera,
Entre les maladies, le mauvais vin, l' angoisse,
Tous les tourments du temps plus collants que la poisse,
Sotte humaine, ta mort? La vie s' en chargera.

jeudi 1 décembre 2011

le prix à payer

Blake: Caïn


Si quelque alchimiste me rendait la mémoire,
Pour séparer le vrai de la douce illusion,
Pour ordonner le chaos de mes confusions,
Restaurant les ratures d' un jaune grimoire;

Si quelque sorcière savait la magie
Capable d' assainir le mal des âmes folles,
Emmêlées aux méandres du temps qui s' affole,
Tissant les lendemains du passé assagi;

Si quelque déité m' accordait la victoire,
Sur l' oppressante peur de perdre un peu du sang
Nourrissant mes amours, moi vampire suçant
Les goulées de gaieté de mon échappatoire,

Si un Messie mécène assurait mon salut,
Donnant un sens enfin à de fades souffrances,
Traçant l' itinéraire d'insensées errances
Qui au Livre de Vie n' ont jamais rien valu;

Quand bien même j' aurais le pardon de l' archange,
J' entendrais les reproches de l' inquisiteur,
Réclamant le tribut de mon sort débiteur,
Qui ne connaît de trêve dans aucun échange.