lundi 29 avril 2013

Mentez, mentez, il n' en restera rien.

James Ensor: la mort et les masques.

 Si ce n' est envolée de sage en sa folie,
 Hallucination de voyant schizophrène,
 Conte pieux de parent qui son chagrin refrène
 Face au proche expirant dans son corps amolli;

 Si ce n' est trahison de la mémoire en friche,
 Portrait flatteur d' amant de l' aimée trop épris,
 Colérique transport outrant tout son mépris,
 Coquette qui se peint, jeune cancre qui triche;

 Si ce n' est le roman des univers meilleurs,
 Le trait enjolivé des courbes insensées,
 La statue au regard perdu dans nos pensées,
 Le rêve mélodieux d' ondes jaillies d' ailleurs;

 Tout acte qui recrée, suscite ou transfigure
 L'image du vivant souillée des boues primales,
 La transe de l' orant et l' extase anormale
 Des prophètes nouveaux aux sinistres augures;

 Honnis soient les fauteurs de notre cécité,
 Répétant après l' Autre que nous sommes dieux,
 Mêlant le clair au faux en fluides insidieux,
 Ils appellent Lumières notre opacité.

 Si brisée, muselée, j' ânonnais une phrase,
 Afin de démentir ces infâmes sauriens,
 Ce serait l'hymne sans lequel je ne vaux rien:
 "Que la vraie charité toute la terre embrase."


 

vendredi 19 avril 2013

Autoportrait ( attention, fragile)

Füssli: le fameux cauchemar

 Vierge folle ou trop sage, docile à lier,
 Calfeutrée de cocons, suffoquant d' impostures,
 Evanouie d' ivresses dans les vies futures,
 Je n' ai pas eu d' enfance ou je l' ai oubliée.

 Du rien, du creux, du vide, et à perte de vue
Le néant d' horizons qu' aucun souffle ne hante,
La grisâtre fadeur que nulle aube ne tente,
Seuls des rêves teintés que l' on passe en revue.

Happée par les abîmes, broyée de malaise,
La fuite pourquoi pas, se suicider peut être,
Ecrire sous les chaînes, lire sous les hêtres,
Je fus nonne une année , fermons la parenthèse.

Sainteté, sainteté, ma beauté ma passion,
En armure, à l' épée, je me suis fait pucelle,
Mériter les trésors dont le ciel étincelle,
Sainteté, sainteté, mon voeu, mon obsession!

 Je me suis crue nimbée des amères couronnes
Offertes au martyrs qui t' ont tout sacrifié.
Mais que vaut un stigmate de chair scarifiée
Quand l' hymne est psalmodiée par une voix aphone?

Quand l' air pur est trop haut, peut on me pardonner,
Si maculée de boue ou avide de miasmes,
J' aspire goulûment en tressautant de spasmes
Quelques modestes joies qu' on veut bien me donner?

Ou bien jusqu' en enfer où tout mon corps s' enfonce,
Devrai je encor subir en mon soir harassant
Avec le doigt levé et son oeil menaçant,
Ce grand inquisiteur éructant sa semonce....






samedi 6 avril 2013

Tout fout le camp même Satan, mais où sont les diables d' antan?



Blake : dragon rouge ( L' Ange du bizarre, encore )


Le mal suprême même erre désenchanté,
 A quel juste vouer un délictueux mensonge?
 Où quérir l' être pur que les erynnies rongent?
Quelles âmes corrompre? Quelle chair tenter?

 Pauvre lune échouée en vain ton ancre mouille
 Au ciel des cauchemars,toi l' épave amarrée;
 Nul ne craint le rayon de ton oeil effaré
 Sur quelque horrible pose d' affreuse gargouille.

 Diable est mort! Diable est mort!Diable tourne le dos
 Au monde indifférent qui se change en cloaque,
 Ce sont eux les serpents à la langue qui claque;
 Leurs blasphèmes sifflants s' élèvent crescendo.

 Satan est désoeuvré, Satan est au chômage...
 En Docile apprentie à toutes ses leçons,
 L' humanité l' imite enfin à l' unisson,
 Mécanique conçue à sa sordide image.

 Lucifer perd l' espoir,invoque l'Esprit Saint,
 Implore le secours d' une autre Pentecôte,
 Supplie de s' incarner pour expier sa faute:
 Il sent qu' il a nourri un aspic dans son sein.