mardi 21 mai 2013

Charité désordonnée

Otto Dix

Défunte est la pitié,asséchées les paupières,
Le clochard peut croupir sous un pont lézardé,
Le funambule au bord du fil se hasarder,
Toute veuve éplorée me laissera de pierre.

Assez de ces bontés que le monde vénère,
Même le pauvre hère a perdu sa saveur,
Ils ont volé l'aumône des mains du sauveur,
Les fausses charités,l'orgueil les rémunère.

Bienfaiteurs associés pour tant de nobles causes,
Au nom de tous les maux créant des groupuscules,
N'espérez pas de don de mon maigre pécule,
Ma poitrine est vidée de son organe en pause.

Où vont les démunis dans les gouffres noyés?
Notre état les fabrique,alors qu'il s'en occupe!
Il crée assez de pions pour de tels jeux de dupes,
Qui donc paiera le mien si je paie leur loyer?

Pourtant j'ai désiré partager mon manteau,
Ajouter une assiette à quelque errant qui passe,
Consoler du passé que la douleur ressasse,
Guérir les cécités,ouvrir tous les vantaux.

Mais les nécessiteux sont une armée des ombres,
Une hydre aux mille faces en vain repoussée,
Une moue de refus,humble épée émoussée,
Finit par défaillir assaillie sous le nombre.

Quand sonnera la trompe de l'Archange au glaive,
 Cherchant ceux qui auront visité des prisons,
Couvert des nudités en de froides saisons,
Mus par tous les élans que les ardeurs soulèvent;

 Que l'air se raréfie,que s'essouffle la plèvre,
Que se crispent de peur tous les membres tordus,
Si mon cœur au déclin est à jamais perdu,
Je veux avidement le boire sur tes lèvres.