mardi 22 mai 2012

with or with you

Corot: Orphée ramenant Euridyce des enfers.



On me dira qu' aimer et ce qu' il en résulte
 Est plus cendre de pluie que lueur au foyer,
Lutter pour rester soi, pour l' autre guerroyer,
Réenfanter le jour des longues nuits adultes.

 On me dira qu' aimer c' est ouvrir à la peur
 De frémir pour un autre à jamais essentiel,
 Des yeux toujours levés pour supplier le ciel,
A jamais prisonniers de fictives vapeurs.

On me dira qu' aimer c' est s' offrir à l' attente
 Des continuels retours et des cent pas perdus,
Des obsessions d' horloge aux élans éperdus,
Sous des soleils trop secs ou des ondées battantes.

 On me dira qu' aimer c' est rendre à la folie
 La part qu' on doit à Dieu ou à quelque César,
C' est prendre à l' infini sa portion de hasard
Pour étendre le temps aux terres abolies.

On me dira qu' aimer c' est se faire parjure
De tous les vieux crédos pourtant bien incrustés,
Pour le nouvel Adam renier la vétusté
D' anciennes libertés jusqu' à leur faire injure.

 Je n' entends que mes pleurs quand tu n' étais pas là,
 Mon coeur déshydraté, mon corps hurlant famine,
Mon âme inanimée que la mort contamine
 Tout ce que Dieu seul sait,amen qui s'inhala.


dimanche 20 mai 2012

Où la roue mène

Pierre Bouillon: l' enfant et la fortune



La terre est bleue comme une orange, il apparaît;
Ronde comme une femme , fourbe est la fortune
Suant la matinée sa poussière importune,
Bouillant de boue étrange en de glauques marais.

Le sens de ce cloaque est logique dit-on,
Mais cette parabole, alors qu' on me l' explique,
J' espère en des miracles, je crois aux reliques,
Qu' on me livre à la fin l' oracle du python!

Mon père n' ai tué, ni épousé ma mère,
Dans aucun cauchemar mes amants je n' étripe,
Je crois que je vois clair, je ne suis pas Oedipe,
Jamais sur l' Achéron, mes aïeux ne ramèrent.

Si des cuisses de Zeus,nous autres ne sortons,
Ce n' est pas pour autant qu'un de nous ne mérite,
Quelque saint esseulé fleuri dans sa guérite,
Plutôt que le veau d' or, du culte l' avorton.


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jeudi 17 mai 2012

A la tienne Etienne

Saint Etienne de Brie Comte Robert

 Lézardée, fissurée, enfouie sous les décombres,
Grande dame ecclésiale, tu es humiliée,
Tes cicatrices béent, tes brèches par milliers
Supportent l' eau des pluies comme un bateau qui sombre.

Toi la reine gothique à l' orgueilleux clocher,
 Souillée par les pigeons et les athées rieurs,
Toute noircie dehors,brisée à l' intérieur,
Tu suintes en silence les espoirs fauchés.

Le temps inquisiteur à l' ultime question,
Ce terrible bourreau plus juste que la mort,
Gargouille écarquillant une gueule qui mord,
 Assiège à coups d' épines ton dernier bastion.

 Ton choeur est pris; ton choeur aimant, choeur lapidé,
Couronné de crachats, ces perles inégales,
 Fleuri des moisissures de tes astragales,
Regrette le zénith des ors dilapidés.

Ta robe de carême couleur d' améthyste,
Plus froide qu' un linceul se déchire au regard
Du Messie crucifié,omniscient et hagard.
 Tu es voilée de deuil, pauvre madone triste!

N' oublie pas que la ronde des anges t' enlace,
Le ciel s' est abaissé aux azurs délavés
 De tes tableaux ternis aux parois enclavés,
 Le ciel s'est fait petit et tient dans ta rosace.

lundi 14 mai 2012

label la bête

Waterhouse: Circé

 Tout en instinct, muscles tendus,
Membres bandés pour la riposte,
Qu'aucun prédateur ne m' accoste,
Mon terrictoire est défendu.

 Se nourrir pour ne pas  mourir,
Avoir chaud, fondu dans la masse,
Vibrer de peur sous la menace,
Je tremble , je fuis, où courir?

De noirs félins me culbutaient,
Les fabriquants de vie pullulent,
Il faut que l' espèce copule,
Bien à l' abri sous les futaies.

A coup de griffes et de dents,
Tantôt je lacère et j' enlace,
J' ai fini par creuser ma place,
Toute ensanglantée en dedans.

Tu as bien de quoi pavoiser
Chasseur de peau sans carabine,
Tu peux t' en lécher les babines,
Je suis ta bête apprivoisée.

Tu as bien de quoi pavoiser Chasseur de peau sans carabine, Tu peux t' en lécher les babines, Je suis ta bête apprivoisée.

jeudi 3 mai 2012

toi le frère

  Cranach: Apollon et Diane


Même sans se sentir, ni se voir, même sans
S' effleurer en douceur des pointes de leur penne,
Aux soirs assassinés sanguinolents de peine,
Nos plumes ont léché la mer du même sang.

Je tiens à pleines mains l' ove de ton visage,
Aux creux de ton miroir mes yeux vont se nicher,
Contemplant au cristal de ta ronde Psyché
L' ailleurs miraculeux de ces deux paysages.

Ta voix est hallali des anciennes rapières
Forgée aux nobles quêtes de preux chevaliers,
Gorgée des souvenirs de nos peuples alliés,
Ta voix , ce mémorial qui chante aux vieilles pierres.

Que jamais ce trésor aux grottes ne se terre,
Telle aubépine au lierre je veux t' enlacer,
Mes rimes à tes vers suavement embrassées
Qu' à la face du temps rien ne te fasse taire.