
Lorsque j' avais quinze ans , déjà tendre perverse,
Avide d' éveiller de bravaches aveux,
Je baignais de caresses d' humides morveux
Afin que mon aridité s' ouvre aux averses.
Lorsque gorgée de sève enfin femme je fus,
Jouant du doigt la grâce d' humbles gladiateurs,
Je riais du dépit du pauvre admirateur,
Meurtri sous l' avalanche d' un glacial refus.
Ils pouvaient bien saigner, pleurer, perdre la face
Quelque larme ou menace amusait mon ennui,
Rien ne rivalisait avec l' horreur des nuits,
Lorsqu' un spectre vous tord que seule l' aube efface.
Et vous voilà mordue d' ignobles érinyes,
Et vous voilà suivie du noir Ankou qui crisse,
Incendiée de remords, noyée de cicatrices,
Paria dénaturée que toute Loi renie.
Il suffit d' un vainqueur immense dans l' arène,
Droit comme une colonne, épais comme un Samson,
Pour qui le Styx aussi fut le seul échanson,
L' épouvante pour père et la mort pour marraine.
Alors cet homme là va planter son regard
Sur ton corps abîmé par des mains malhabiles,
Installer sous ta peau cette ancre indélébile
Des sanglots de diamant sur un sentier hagard.
Et tu sais que c' est lui car tu n' es plus méchante,
Tu ne ris plus de ses douleurs, tu ne ris plus,
Tu trembles avec lui de qui lui a déplu,
Oui,désormais, la moindre de ses larmes chante.