Il faudra bien subir l'assaut, l'ultime affront,
Les tempes palpitantes sous la déchirure,
Les plaies plus triturées que des trous de serrure,
Les glandes gangrenées,la suée moite au front.
Quand l'œil s'épuisera à transpercer l'opaque,
Quand le meli- melo des bruits atténués
Glissera sur la peau,de frissons dénués ...
Finies les guérisons,révolue toute Pâque!
J'exige de savoir à ce moment précis,
Tandis que les organes usés se verolent,
Qui a le dernier mot et quel porte-parole
Depuis l'aube des temps fit le juste récit.
L'abîme de la tombe est-il gouffre béant?
Quel ciel va féconder l'humus des os friables?
Quelque stellaire arpège ou quelque antre de diable,
La vis sans fin des vies, l'amnésie, le néant?
Plutôt que d'entrevoir l'eden de mes aînés,
La danse des aimés qui de loin feraient signe,
Aveuglante clarté dont je serais indigne,
Il vaudrait mieux pour moi de n'être jamais née.
Par delà les détours des mesquines ellipses,
Le delta mensonger des sinuosités,
Loin du seuil obligé de la morosité,
Sourd aux sinistres trompes de l' apocalypse,
Rit un chemin tout droit, oublieux des orties,
Trop humble pour tenter le pied des parricides,
Nul genou n'y faiblit, aucune larme humide
Ne se fond dans la boue de chutes amorties,
Ce sentier c'est le sang nourricier de nos terres,
Il est le souvenir du fond de nos néants,
Nous pauvres petits nains des monts , des océans
Qui n' avons pour trésor qu' une âme délétère.
Le corps regénéré s' inonde à l' esprit sain,
La sagesse se lit au troisième oeil du prisme,
Ne se redoute pas l' horreur des cataclysmes,
Ne se vénèrent pas le boeuf ou l' abyssin;
On se connaît sculpté à la paume du Père,
Pesés et rachetés aux tripes de son Fils,
Buvant baignés de liesse à de purs sacrifices
Implorant le pardon pour ceux qui se dupèrent.
Enviables pantins,jouets de doigts effilés,
Ficelles reliées à des ciels sans bavures,
Vos veines lézardées aux fragiles nervures
Persisteront privées de sanguins défilés.
Jamais aucun de vous au mal ne succomba,
Car vous obéïssez , humbles poupées dociles,
La cire de vos peaux ni l' arc de vos faux cils
Ne veut l' éternité objet de nos combats.
Les régimes se suivent, passent les années,
Vos regards vont défier les volcans, les tempêtes,
Vous traversez le temps des gestes qu' il répète,
Drapant à l' au -delà des tissus surannés.
ô vous les derniers rois dominant les vilains,
Vous savez que le prix d' être libre est trop cher,
Vieillir figé vaut mieux que souffrir dans sa chair,
Je le sais, automate d' un dieu sybillin.
Ce bout d' isthme sans fin en sa passivité
Se veut la porte ouverte à des bouches béantes,
Des chakras encrassés, des issues malséantes,
Niant à l' être humain toute agressivité.
Que vaut cette spirale aux contours maigrelets,
Face au cercle parfait de notre finitude,
Seule la mort hélas reste la Certitude,
Rien n' atteste le vrai de vies renouvelées.
Frère, il nous faut mourir, prier et travailler,
Lutter pour respirer,aimer à pleines veines,
Cesser l' économie d' une espérance vaine,
N' attendons pas cloués, fakirs dépenaillés.
La Croix, ce bois des dieux, creuset de nos douleurs,
Redonne les honneurs aux fils de la révolte,
Seul le père en est mort, leur offrant la récolte
De la terre et du ciel dont ils sont les voleurs.
Ils ont goûté la vigne, humé le réséda,
Lu chaque livre hélas, mais leur chair n' est pas lasse,
Trempé dans les tripots, baigné dans la mélasse,
Gémi lorsque ce siècle en poudre décéda.
Plus cabossés que feues carrosseries de casse,
Bardés de cicatrices tels d' anciens soldats,
Revenants de la guerre, alourdis de bardas,
Désuets Cyranos, Capitaines Fracasse,
Artistes, savants fous, sages un peu fadas,
Dandys qu' aucune mode à la fin ne déclasse,
Immortels patinés par le feu et la glace,
De leurs paradis purs brandissant le mandat,
Ils incantent la terre humiliée à voix basse;
Leur chant est l' hallali de saintes armadas,
Alliés désenchantés, Familia Sagrada,
En vos traits dévorés je vois la Sainte Face.
Loin des ululements des foules dissidentes,
Aux faux désirs futiles mais vociférés,
Tel un fretin fragile affairé puis ferré
A l' hameçon du soir quand le ciel s' accidente,
Loin des couleurs criardes des rues abîmées,
Des villes enlaidies que la ténèbre ronge,
Quand la nuit noie le monde menteur en ses songes,
Noircissant les vitrines d' encre inanimée,
Les rares promeneurs creusés de lassitude,
Ou riant sottement de se croire joyeux,
Offrent au désespoir un terrain giboyeux,
Lucides sur les affres de leur solitude,
Malheur à qui se bat dans une ombre erronée,
Malheur à qui se prive de diurnes lumières,
Pauvres précipités plongeant tête première
Au paradis déchu des princes détrônés,
Peuple superstitieux enterré dans les caves,
Dansant pour oublier les secrets de ses dieux,
De parade nuptiale en rituels odieux,
Cachant son anxiété par un sourire hâve,
L' aube attendra tapie, suicidaire stylet,
Tendant le traquenard de son poignard de glace,
Du crépuscule éteint l' aurore prend la place
Afin de révéler à l' homme qui il est.
L' occident dort, l' occident vaut son pesant d' or,
L' occident a battu sa décadente danse,
Que sonne le toccin, une ultime cadence,
Voilà le chant du cygne, un chant de Maldoror.
. Que devait -il y perdre, une obscure richesse,
Un monarque absolu pour un trésor royal,
Un Dieu pauvre vaincu en un combat loyal,
Des martyres, des gueux, des princes, des duchesses?
Toi ma pauvre patrie vide de sang versé,
Mon exsangue gisante aux défunts inutiles,
Tu résonnes de cris et de sanglots futiles,
Ta boîte de Pandore est un panier percé.
Que pourra-t-on offrir en précieux holocauste,
Pour contrebalancer d' ancestrales erreurs,
Pour expier du crime l' innommable horreur,
Sans trahir par la ruse du pacte de Faust?
Si le salut perdure aux pointes des calames,
L' espoir ne ternit pas en dépit du bon sens,
Qui ne saurait mentir au fumet de l' encens,
Quand il élève aux cieux le poids léger de l' âme.
Cette histoire se lit dans l' ambre et les fossiles,
En l' émail des carreaux aux moulins azurés,
Sur une île émergeant de mers démesurées
Défendue par l' acier des lames indociles.
Elle est gravée aux os venus d' âges de pierre,
La lave avait sculpté des reliefs torturés,
Puis la glace frigide est venue ceinturer
D' immenses animaux en sa prison de verre.
Comment l' être fragile à la fin survécut,
Vêtu de nudité, sans défenses , sans griffes?
Gardez vos mensongères thèses apocryphes,
Il n' avait pas encore de sabre ni d' écu.
Comment a-t-il dressé sur l' eau ses pavillons,
Apposé son empreinte à l'endroit, à l' envers
A la croisée des sentes de tout l' univers,
Redessiné au soc le sol et ses sillons?
Au nom de quelle rage a-t- il fait de rochers
Des châteaux accrochés à des cimes en miettes,
Des églises qui sur les nuages empiètent,
Dressant face aux démons l' épée de leur clocher.
Son oeil va percevoir par delà l' indicible,
Sa main sait façonner la quasi déité,
Son âme au sombre éclat pourrait préméditer
De son monde la fin s' il le prenait pour cible.
Or malgré les sabbats et les danses tribales,
Tant de menhirs hissés et de dolmens déchus,
Depuis l' ange au sourire au diable au doigts crochus,
Il enfouit son secret sous la pierre tombale.
Mon amour en train de chanter derrière Lou Reed, excusez moi du peu au festival de Montereau avec les blue monster tracks ( en effet j' éclate de fierté sans aucune fausse ou vraie modestie!)
Siudmak: idylle
Mon amour de chanteur, photo de Alain Hiot, groupe " les blue monster tracks"
Voici mon texte fétiche écrit dans une autre vie des siècles auparavant suivi d' un texte composé par mon géant danois qui m' autorise à livrer ici sans pudeur sa poésie iconoclaste.
J' irai me fondre aux laves des astéroïdes,
Me nourrir goulûment au lait des voies lactées,
Voir faillir les novas par salves rétractées,
Dormir contre Saturne aux formes ovoïdes.
Mon avenir se lie aux étoiles filantes,
Satellite oublié d' astre cyclopéen...
Disparaître au soleil, songe prométhéen,
Scintiller aux marées des vagues déferlantes!
lumière, ma patrie, dissous-moi en ton prisme,
Abreuve-moi du beau jailli de ton pinceau;
Revêts-moi du tissu diapré de tes arceaux,
Offre moi tes lueurs explosant en seïsmes.
Sous l' arche de tes bras, être rayon liquide,
Ardent comme un buisson qui a reçu Yahvé;
Purifiée des terrestres ombres dépravées,
Je serai pur esprit ressourcé à ton fluide.
Mon amour est...
Mon amour est gamine, une fleur printanière
Comme jamais nature n' en avait enfanté
Un océan de joie, de rire, de santé
Elle montre la voie à la terre tout entière
Mon amour est poète, comme des montgolfières
Ses vers s' élèvent aux cieux où viennent les chanter
Des anges débonnaires aux ailes argentées
Et leurs voix emmêlées évoquent une prière
Mon amour est ardente et furieuse guerrière
A son flanc vient frapper un glaive ensanglanté
Elle monte la garde car ses nuits sont hantées
Par des démons qui veulent la priver de lumière
Mon amour est princesse, son allure est altière
Son front est ceint d' or pur et ses mains sont gantées
De cuir noir comme ses yeux qui viennent se planter
Dans les miens comme le feraient ceux d' une sorcière
M. le 3 juillet 2012.
Merci mon géant danois, je ne veux pas d' autre épitaphe!
Si tout est mouvement, succession illusoire
De potentiels morts-nés, de demains avortés,
Si l' abstraction du temps, ce trait aléatoire
Martèle nos journées de nos nuits escortées,
S'il faut devenir fou pour guérir de l' enfance,
Puis devenir sénile avant d' être assagi,
Si seul le hasard crée l' être dont il s' agit
Voué à évoluer en guise de défense,
Si toute foi se meurt au nom de la raison,
Si le bourgeon pourrit, si la mèche est éteinte,
Si les lueurs mouillées s' immolent hors d' atteinte
Aux cendres des brasiers de toute floraison,
Je veux me souvenir au nom des écrivains
De l' enthousiasme sain de l' aube des genèses,
Des amours consumant l' infernale fournaise
Qui me réchauffe à toi comme l' âme au divin.
Le vétuste dragon darde un oeil indigné,
L' Archange ailé de rêves sa dague soulève,
Le fiel du vieux serpent contre l' antique glaive,
Qui de cet est d' Eden sera le jardinier?
Vade retro, j' en ris, car j' ai trouvé mon Cid!
Son verbe est plus puissant qu' un cor de Jericho,
Son muscle est plus saillant qu' un corps de Géricault,
Il n' est aucune honte au juste parricide!
Va te gargariser d' ésotériques rites,
Le sépulcre blanchi dans un obscur couvent
Sera l' ultime écrin d' un adieu éprouvant
Où tu me maudiras toi qui me déshérites.
Nous pauvres parias au repentir tardons,
C' est que la voix du beau aux plaisirs nous appelle,
C' est que l' ombre recèle beaucoup de chapelles,
Pourtant sans condition je t' octroie mon pardon.
Il avait mis son kilt d' highlander irlandais,
Ses yeux de condamnés, son sourire de l' ange;
Avec sa cornemuse et son allure étrange,
L' aura des crucifiés sans cris, le transcendait.
Elle entendait la voix qui toujours demandait
Si tout doit se faner, pourquoi le temps nous change,
Avec le corps qui s' use et glisse dans la fange,
Ses formes falsifiées et ses peaux se fendaient.
Tel un Gargantua il riait à la fête,
Croquant à toute pulpe, remède à la peur,
Traquant d' abruptes proies en habile trappeur,
Reniant ses succès, célébrant ses défaites.
Elle rampait au sol éblouie par les faîtes,
Soleils vertigineux aux nocturnes vapeurs;
Les cauchemars du jour et les rêves trompeurs
S' insinuaient aux sentes des fuites parfaites.
Les voilà enlacés, vertical corps à corps,
Pas de deux provisoire ou immortelle danse,
En route pour l' Histoire ou vers la décadence,
Mariage bariolé d' harmonieux désaccords.
Ne leur reprochez pas leurs lèvres aimantées,
Les gestes affamés, Les mots de démesure,
Ils sont des résistants qui combattent l' usure,
Si l' on vous interroge, par pitié, mentez.
On me dira qu' aimer et ce qu' il en résulte
Est plus cendre de pluie que lueur au foyer,
Lutter pour rester soi, pour l' autre guerroyer,
Réenfanter le jour des longues nuits adultes.
On me dira qu' aimer c' est ouvrir à la peur
De frémir pour un autre à jamais essentiel,
Des yeux toujours levés pour supplier le ciel,
A jamais prisonniers de fictives vapeurs.
On me dira qu' aimer c' est s' offrir à l' attente
Des continuels retours et des cent pas perdus,
Des obsessions d' horloge aux élans éperdus,
Sous des soleils trop secs ou des ondées battantes.
On me dira qu' aimer c' est rendre à la folie
La part qu' on doit à Dieu ou à quelque César,
C' est prendre à l' infini sa portion de hasard
Pour étendre le temps aux terres abolies.
On me dira qu' aimer c' est se faire parjure
De tous les vieux crédos pourtant bien incrustés,
Pour le nouvel Adam renier la vétusté
D' anciennes libertés jusqu' à leur faire injure.
Je n' entends que mes pleurs quand tu n' étais pas là,
Mon coeur déshydraté, mon corps hurlant famine,
Mon âme inanimée que la mort contamine
Tout ce que Dieu seul sait,amen qui s'inhala.
La terre est bleue comme une orange, il apparaît;
Ronde comme une femme , fourbe est la fortune
Suant la matinée sa poussière importune,
Bouillant de boue étrange en de glauques marais.
Le sens de ce cloaque est logique dit-on,
Mais cette parabole, alors qu' on me l' explique,
J' espère en des miracles, je crois aux reliques,
Qu' on me livre à la fin l' oracle du python!
Mon père n' ai tué, ni épousé ma mère,
Dans aucun cauchemar mes amants je n' étripe,
Je crois que je vois clair, je ne suis pas Oedipe,
Jamais sur l' Achéron, mes aïeux ne ramèrent.
Si des cuisses de Zeus,nous autres ne sortons,
Ce n' est pas pour autant qu'un de nous ne mérite,
Quelque saint esseulé fleuri dans sa guérite,
Plutôt que le veau d' or, du culte l' avorton.
Lézardée, fissurée, enfouie sous les décombres,
Grande dame ecclésiale, tu es humiliée,
Tes cicatrices béent, tes brèches par milliers
Supportent l' eau des pluies comme un bateau qui sombre.
Toi la reine gothique à l' orgueilleux clocher,
Souillée par les pigeons et les athées rieurs,
Toute noircie dehors,brisée à l' intérieur,
Tu suintes en silence les espoirs fauchés.
Le temps inquisiteur à l' ultime question,
Ce terrible bourreau plus juste que la mort,
Gargouille écarquillant une gueule qui mord,
Assiège à coups d' épines ton dernier bastion.
Ton choeur est pris; ton choeur aimant, choeur lapidé,
Couronné de crachats, ces perles inégales,
Fleuri des moisissures de tes astragales,
Regrette le zénith des ors dilapidés.
Ta robe de carême couleur d' améthyste,
Plus froide qu' un linceul se déchire au regard
Du Messie crucifié,omniscient et hagard.
Tu es voilée de deuil, pauvre madone triste!
N' oublie pas que la ronde des anges t' enlace,
Le ciel s' est abaissé aux azurs délavés
De tes tableaux ternis aux parois enclavés,
Le ciel s'est fait petit et tient dans ta rosace.
Même sans se sentir, ni se voir, même sans
S' effleurer en douceur des pointes de leur penne,
Aux soirs assassinés sanguinolents de peine,
Nos plumes ont léché la mer du même sang.
Je tiens à pleines mains l' ove de ton visage,
Aux creux de ton miroir mes yeux vont se nicher,
Contemplant au cristal de ta ronde Psyché
L' ailleurs miraculeux de ces deux paysages.
Ta voix est hallali des anciennes rapières
Forgée aux nobles quêtes de preux chevaliers,
Gorgée des souvenirs de nos peuples alliés,
Ta voix , ce mémorial qui chante aux vieilles pierres.
Que jamais ce trésor aux grottes ne se terre,
Telle aubépine au lierre je veux t' enlacer,
Mes rimes à tes vers suavement embrassées
Qu' à la face du temps rien ne te fasse taire.
Toussaint Dubreuil: Orphée charmant les animaux de sa lyre.
Ni amphibien saurien surgissant de sa conque,
Ni singe délaissant sa marche à quatre mains,
Ni emplumé bavard poussant au lendemain
Des grandes glaciations un cri humain quelconque;
Aucun ballet nuptial, aucun artisanat
Nulle toile tissée, nulle aquatique danse,
Nulle stridulation de la nocturne transe
Inspirant au poète mille " hosanna ",
N' est le maillon manquant des chaînes qui libèrent.
Je crois à l' arrondi des mots des parchemins,
Au cercle enluminé au bout de tout chemin,
A la lyre d' Orphée qui dompta le Cerbère.
Est-ce un ange déchu, au refus démodé,
Lucifer, fier élu ,irréelle lumière,
Un " non" précipité aspirant à l' ornière
Où se noie Belzébuth, où patauge Asmodée.
Est-ce une maladie, noir génie, mauvais gène,
Fille de la psychose, enfant de la folie,
La racine endurcie dans la chair amollie
Explosant dans le crime son arbre indigène.
Est- ce un penchant inné à la pente des vices
Quand le corps dévissé au plaisir s' écartèle,
Docile au syphon doux d' une liesse immortelle,
Curieux d' alimenter ses sens toujours novices.
Le mal est privation, absence du divin,
Sous la peau il incruste ses exsangues veines,
Le cri de sa révolte insuffle la déveine,
Le mal, ce livre vide faute d' écrivain.
Percé d' un javelot quand tu lançais le disque
De ta destinée. Cette course avec le ciel,
Tu as fini noyé. Le songe existentiel
Pèse un poids trop léger face à la part du risque.
Tu mouillas dans l' eau trouble rassasiée de fiel,
Dans le cloaque bourbeux tu as bu aux délices,
Avant d' être broyé par la fatale hélice,
Le navire en spirale a l' illusion du miel.
Les voyages sucrés finissent aux Sargasses,
Combien ont convoité l' Eden des au delà,
Juchés sur des esquifs que l' orgueil modela,
Squelettes de l' abysse jonchée de carcasses.
Le défi n' a qu' un temps qu' il ne maîtrise pas.
J' aurais crié pitié pour qu' on te fasse grâce,
Quel crédit aurais je eu moi qui suis de ta race,
Quand Dieu nous est cruel, qu' on n'en médise pas.
Je ne suis ni amante, ni soeur, ni ta mère,
Pauvre hectoplasme errant, ses larmes pour linceul,
Je suis l' oeil du miroir qui t' as toujours su seul
Au seuil inaccessible de ta quête amère.
La femme des présents n' est pas harpie hurlante,
Vociférant de rage aux vengeances aigries,
Consumée de rancoeurs, par la haine amaigrie,
Tel un récif défiant les vagues déferlantes.
Son voeu inavoué n' est pas de vivre comme
Les si vils ambitieux si bien formés aux courses
Des honneurs;ces maîtres d' immonde forts en bourse,
La femme de demain ne sera pas un homme.
Ce n' est qu' une cavale au galop débridé,
Elle est déboussolée, juste en quête d' un pôle,
Avide d' un gouvernail viril, une épaule,
Un miroir pour lisser son étang noir ridé.
C' est la cire brûlante informe de l' empreinte
Seule apte à imprimer en un mâle dessin,
L' aura mystique et tendre et solide des saints
Pour sculpter son essence d' une noble étreinte.
Orfeenix N' aime pas les liens superficiels,
La cuisine , l' humeur, l' air du temps et les fripes,
Qu' on parle vrai, bon sang, du tréfond de nos tripes,
Le terrien quoi qu' on dise est bâti pour le ciel.
Assez des morts vivants, ces consentants otages,
Ces pseudos révoltés hurlant avec la horde,
Bouches grandes ouvertes qui jamais ne mordent,
Mains tendues au butin d' un singulier partage.
Qui donc a des regards transperçant la matière,
Quelle main peut toucher l' âme , tissu précieux,
Quelle oreille entendra tous les cris silencieux
Des affamés du beau, toute leur vie entière.
Désamorçons ce site chargé de virus,
J' aspire à pleins poumons le doux parfum des êtres,
Purifiés des dépouilles de leurs anciens maîtres,
Les tyrans , les traders, les césars, les Pyrrhus;
Ces adulateurs d' or tâché d' encre de suie,
Ces fauteurs d' incendies, d'anciens autodafés,
Assassins du savoir, béotiens empaffés
Ne m' enseigneront pas la lignée dont je suis.
Où est ton aiguillon? Où donc est ta victoire?
Ta titanesque guerre n' aura laminé,
Tes sinueuses ruses n' ont contaminé
Aucune étoile éprise des échappatoires.
Tu peux ranger tes pièges, plier tes filets,
Tes simulacres vains, tes mensongers clystères,
Tous tes tours de magie n' ont plus aucun mystère,
Nul ne redoute plus tes lames effilées.
Je sais tes pauvres feintes d' immonde pécore,
Le vice et l' atavisme...Ah! Tu ne m'auras pas!
Qu' importe si parfois mon double dérapa,
Mais non! L' esprit n' est pas mort car je pense encore.
Peu importent les routes qui les amenèrent
Aux tortueux desseins des paumes de leurs mains,
Pour tous ceux qu' un oubli plaça sur leur chemin,
Ma vengeance vomit le sort des tortionnaires.
Ni les pleurs ni les âcres cris des Erinyes,
Nulle geôle honnie, nul brasier de géhenne,
Ne sauraient apaiser la légitime haine
Des abîmés au nom d' un mal indéfini.
Ils peuvent bien arguer leur passé, la démence,
Mon coeur sec de pitié crève de leur laideur
Et maudit l' indulgence éhontée des plaideurs
Replongeant la griffure dans la plaie immense.
Aucune guillotine,aucun pénitencier,
Pour l'offense infligée, ni peine capitale,
Vie de perpétuité ou injection létale,
Ne pourront araser ce bancal balancier.
Le soldat des tranchées aspirant à la trêve,
Malade condamné d' un divin diagnostic,
Oublié du destin au sombre pronostic
Ne tendrait pas plus avidement à son rêve.
Quand la ténèbre haïe hisse son drapeau blanc,
Crevant de l' horizon les murailles opaques,
Quand la crucifixion débouche sur la Pâque,
Le ciel est transparent de bleus sans faux semblants.
Voilà, nous sommes deux pour percer nos blessures,
Entends-tu? mon souffle réapprend enfin à respirer,
Je vois que ton mal être a cessé d' empirer,
Mon regard t' idolâtre et ta voix me rassure.
Franchiras- tu le seuil, mon profane messie,
Seras-tu terrifié par une sainte frousse
De ce sauvage lieu plus cruel qu' une brousse,
Immobile au vantail et le geste indécis?
Ne crains rien, je ne suis que la reine Didon,
Amante sacrifiée insoucieuse du faste,
Si tu m' abandonnais, le dernier de ma caste,
Je me consolerais avec Poseïdon.
Viens, palpe à pleines mains notre ailleurs mordoré,
Ce toit de canopée plus solide que marbre,
Moi ,friable statue, la nymphe de ton arbre,
J'accepte dans mon temple un Phoebus adoré.