jeudi 20 février 2014

Una lacryma sur le museau

Van Der Weyden, Déposition de Croix , détail.



Lorsque j' avais quinze ans , déjà tendre perverse,
Avide d' éveiller de bravaches aveux,
Je baignais de caresses d' humides morveux
Afin que mon aridité s' ouvre aux averses.

Lorsque gorgée de sève enfin femme je fus,
Jouant du doigt la grâce d' humbles gladiateurs,
Je riais du dépit du pauvre admirateur,
Meurtri sous l' avalanche d' un glacial refus.

Ils pouvaient bien saigner, pleurer, perdre la face
Quelque larme ou menace amusait mon ennui,
Rien ne rivalisait avec l' horreur des nuits,
Lorsqu' un spectre vous tord que seule l' aube efface.

Et vous voilà mordue d' ignobles érinyes,
Et vous voilà suivie du noir Ankou qui crisse,
Incendiée de remords, noyée de cicatrices,
Paria dénaturée que toute Loi renie.

Il suffit d' un vainqueur immense dans l' arène,
Droit comme une colonne, épais comme un Samson,
Pour qui le Styx aussi fut le seul échanson,
L' épouvante pour père et la mort pour marraine.

Alors cet homme là va planter son regard
Sur ton corps abîmé par des mains malhabiles,
Installer sous ta peau cette ancre indélébile
Des sanglots de diamant sur un sentier hagard.

Et tu sais que c' est lui car tu n' es plus méchante,
Tu ne ris plus de ses douleurs, tu ne ris plus,
Tu trembles avec lui de qui lui a déplu,
Oui,désormais, la moindre de ses larmes chante.


mardi 11 février 2014

Retirez vous vos yeux me brûlent ( la bête de Cocteau)

Jean Delville: l' idole de la perversité.


Fortune courtisane adonnée au sadisme,
Ta sanguinolente étreinte  fut infligée
Aux dermes affligés qui ont désobligé
L' isthme des destinées érigées en ton prisme.

L' égratignure teint les doigts des évadés,
J' ai mal à leur mollet écorché à la course,
Ce gibier fusillé d' avoir bu à la source,
les déserteurs haineux des marches saccadées.

J' ai mal à vos poignets suintant mille misères,
Perdants de rodéos, plus faibles qu' équidés,
Erodés des écueils, mes frères suicidés,
Aux vagues tourmentées vos rames s'épuisèrent.

Le deuil à petit feu d' illusions décédées,
De mesquines envies en rêves rétrécis,
J' ai mal au spectre vil aux contours imprécis,
Cesse donc de hanter mes heures obsédées.

Ce que souffre la chair n' est rien qu' une écorchure,
Le fléau , ce haut mal de la médiocrité,
Tue le lobe frontal de l' humble vérité
Qui terrassa jadis les anges qui déchurent.

Qu' un coeur compatissant soit à jamais loué,
Agonisant afin qu' à la fin ils se sauvent,
 Percé d' un arc en ciel virant de bleus en mauves,
J' ai mal aux crucifiés, j' ai mal aux mains clouées.